Interview :: Yannick Dauby & Christophe Havard :: Cordemais écoute l'électricité :: 21 mai 2007

L'association Volume-Collectif propose un projet de sensibilisation à l'environnement sonore sur le territoire de Cordemais (Loire-Atlantique) en prenant comme point de référence l'écoute des phénomènes acoustiques liés à l'électricité. Les 12 & 13 mai 2007, le groupe phono3graphy (H. Germain, C. Havard, Y. Dauby), présentait aux habitants de la commune : "Rumeurs cordemaisiennes", une pièce d’une vingtaine de minutes diffusée sur 6 points et basée sur l’enregistrement du paysage sonore du site de la centrale de Cordemais.

Après une première prise de contact, le soir même de l'inauguration : Yannick Dauby & Christophe Havard, deux des trois protagonistes du projet ont bien voulu répondre à nos questions par mail :

Site de la centrale de Cordemais, le 12 mai 2007

*** Pourquoi ce choix de projet autour de la centrale électrique de Cordemais ? Qu'est-ce qui vous attire dans ce genre de paysages sonores ?

Ce projet, intitulé "Cordemais écoute l'électricité", trouve son origine dans deux expériences. La première a été un évènement-exposition produit par Volume-Collectif, qui rassemble plasticiens, musiciens et artistes sonores. Essentiellement basé sur les paysages industriels des environs de Saint-Nazaire, il s'agissait de donner à voir et entendre une version subjective de ces espaces déshumanisés et intrigants, sous la forme d'un environnement de volumes, d'images et de sons. D'un point de vue sonore, nous étions fascinés par les sifflements et chuintements émis par la raffinerie de pétrole, les résonances de la base sous-marine et par les tenues d'orgue de l'usine agro-alimentaire attenante. Autant de sons qui nous sont d'ordinaire difficilement accessibles, des sons inédits en quelque sorte.
-> http://www.volume-collectif.org/cuncertx/
L'autre aventure était un concert chez l'habitant, c'est-à-dire joué dans une maison d'un village de la même région. Nous avions fait le pari de récolter en une journée des matériaux sonores dans le village et le soir de jouer avec ces enregistrements pour les habitants eux-même. L'idée était d'engager un moment d'écoute et de discussion autour du paysage sonore. Les sons du quotidien de ce village, souvent très banals, tels les passages de véhicules sur une route lointaine ou le vent dans un champ de céréales, permettent eux aussi de susciter autant des images que des sensations de matières sonores.
-> http://www.kalerne.net/prinquiau/

Cordemais possède la particularité d'être au croisement des mondes de la ruralité, du patrimoine naturel et de l'industrie. Cette position a immédiatement capté notre imaginaire et a suscité de nombreuses interrogations.


Site de la centrale de Cordemais, le 12 mai 2007

*** Pouvez-vous nous décrire votre démarche de création, la manière dont vous appréhendez ces phénomènes acoustiques ?

Évidemment, notre premier réflexe a été de laisser trainer nos microphones et nos oreilles. Toujours entre approche documentaire et écoute réduite, il s'agissait donc de déambulations et promenades, de revenir sans cesse sur des sites particuliers, de cartographie et de prélèvements. Par contre pour la création intitulée "Rumeurs cordemaisiennes", diffusée à Cordemais et à Nantes au festival Sonor, nous avons travaillé à trois en faisant appel à Hughes Germain. Nous pratiquons une sorte de phonographie multipoint et synchrone mais qui n'a rien à voir avec les techniques réalistes de prises de sons. Chacun équipé de deux microphones, nous tournons autour d'un sujet, explorons des lieux depuis des points d'écoute différents. Nous récoltons donc trois enregistrements stéréophoniques d'un même lieu et d'un même moment, mais chacun évolue différemment du fait de nos mouvements. Les matériaux sont assemblés puis diffusés sur un cercle de six haut-parleurs. La pièce est construite autour de la rumeur particulière que l'on entend dans les environs de Cordemais : une sorte de flux ininterrompu d'événements qui se distinguent nettement du bruit de fond.
-> http://www.volume-collectif.org/phono3graphy/

Site de la centrale de Cordemais, le 12 mai 2007

*** Ce projet semble s'inscrire dans le tissu local : rencontres avec les habitants, séances d'écoute et de sensibilisation pour les plus jeunes... pourriez-vous nous en dire plus ?

La centrale thermo-électrique nous intéressait par sa présence intrusive pour le regard, et pour les sons relativement discrets qu'elle émet. Essentiellement il s'agit des grésillements de lignes haute-tension et des harmoniques du 50 Hz à proximité des transformateurs. Ces sons-là ne sont pas très loin des stridulations des insectes et des drones de certaines musiques qui nous sont chères.
Mais d'emblée s'est posée la question de la cohabitation avec ces sons-là. Quand on réside à proximité de ces "dispositifs électro-acoustiques", s'y habitue-t-on ou devient-on hostile à ces sons ? Est-ce qu'il devient des sons de référence pour le paysage ?
Notre projet tourne donc autour d'un désir de donner à entendre ce qui nous entoure, de proposer une écoute sensible de ce lieu, et aussi d'apprendre avec les habitants quelques-unes des modalités de constitution d'un paysage sonore.
Car notre idée est que le paysage sonore n'est pas donné en soi, c'est un rapport qui se construit au quotidien, individuellement et collectivement.
Pour ce projet, qui est une sorte de concert chez l'habitant à l'échelle d'un village et sur une durée d'un an et demi, nous avons prévu une série d'actions pédagogiques (les élèves de l'école primaire sont actuellement en train de faire leur propres prises de sons de l'environnement de Cordemais), des séances de diffusion et des discussions autour de créations sonores (intra-muros ou in-situ), des promenades d'écoutes et peut-être même des collaborations avec quelques habitants...

"Cordemais écoute l'électricité" :
http://www.volume-collectif.org/cordemais/

 

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