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Sphärophon, Ondes Martenot, Harry Partch, Orgue des
Ondes, Henry Cowell, synthèse optique
D'autres
instruments sont également développés
avant la Seconde Guerre Mondiale. Ainsi, en 1926, le Sphärophon
ou Sphérophone de Jörg Mager
utilise deux lampes triodes comme oscillateurs. Cette
invention est présentée au festival de Donaueschingen
en Allemagne. Plus tard il developpera le Partiturophon
et le Kaleidophon. En 1929, la "Stuiengesellschaft
für elektroakustische Musik", toute première
association de recherche dédiée à
la musique électronique sera créée
à Darmstadt pour les travaux de Jörg Mager.
Déjà,
à cette époque certains musiciens utilisent
des machines destinées initialement à la
reproduction sonore pour leur création musicale.
Ernst Toch, Darius Milhaud, Paul Hindemith
utilisent des oscillateurs et des tourne-disques fonctionnant
à l'envers dans certaines de leurs compositions.
Léopold Stokowski annonce, quant à
lui, la notion de création directe de musique sous
forme de son, sans partition : "I can see coming
ahead, a time when the musician who is creator can create
directly in tone not on paper."
Le
3 mai 1928, l'ingénieur Maurice Martenot
(1898-1980) présente ses Ondes Musicales
aujourd'hui appelées : Ondes Martenot à
l'opéra de Paris. Le principe de synthèse
sonore est le même que pour le Theremin mais l'interface
avec le musicien prend la forme d'un clavier et d'un ruban
avec un anneau. La hauteur des notes est réglée
à des valeurs fixes correspondant aux notes de
la gamme. Le joueur (l'ondiste) utilise un clavier de
six octaves et un ruban attaché à un anneau
que l'on enfile à l'index de la main droite. En
tirant sur le ruban, il obtient un glissando continu.
Il est également possible de changer le timbre
grâce à des filtres. Le son est diffusé
par un haut-parleur principal et 3 diffuseurs de coloration.
Cet instrument monophonique est beaucoup usité
dans les années 50, dans des publicités
télévisées ou radiophoniques, mais
également par des compositeurs tels que Arthur
Honneger, Pierre Boulez, Darius Milhaud,
André Jolivet et surtout Olivier Messian
(1908-1992) qui est l'un des rares compositeurs à
avoir écrit spécifiquement pour cet instrument
: "Oraison" (1937), "Fête
des belles eaux" (1937) pour six Ondes Martenot,
"Turangalîla"(1946-48). Dans "Ecuatorial"
(joué tout d'abord avec deux Theremins) en 1934,
Edgard Varèse combine les Ondes Martenot
avec la lecture d'un texte du Popol Vuh : livre sacré
des Mayas Quiché (saisissant contraste entre passé
et modernité). Les Ondes martenots seront déclinées
en sept modèles (1928, 1929, 1930, 1931, 1937,
1955 et 1975). Les interprètes les plus célèbres
sont Ginette Martenot (la soeur de Maurice Martenot) et
surtout Jeanne Loriod.
A
la même époque, Harry Partch (1901-1974)
construit ses propres instruments adaptés à
son propre système d'intonation et se démarque
ainsi totalement de la composition traditionnelle : les
"Cloud Chambers Bowls", "Diamond
Marimba" ou encore le "chromélodéon".
La musique devient un "art corporel", une expérience
physique où la danse, le mime et le drame viennent
exulter les compositions. En 1930, il brûle toutes
ses oeuvres antérieures et commence à écrire
de nouvelles compositions. Partch compose alors selon
une division du son en 43 spectres harmoniques, mais aucun
instrument ne permet de jouer cette musique. Il doit donc
inventer et contruire ses propres instruments, former
une génération dinstrumentistes et
inventer un nouveau système de notation, cette
tradition de confection d'instruments s'est propagée
dans le monde de la musique électronique. "j'ai
dans l'esprit un bruit que je veux entendre, je construis
alors un dispositif pour jouer ce bruit". Harry
Partch est également un partisan du système
de l'intonation juste, tout comme La Monte Young, Terry
Riley, James Tenney, Pauline Oliveros ou Lou Harrison.
Lors
de l'exposition universelle de Paris en 1929, Edouard
Eloi Coupleux et Joseph Armand Givelet (deux
techniciens radio) exposent le "Automatically Operating
Musical Instrument of the Electric Oscillation Type"
ou "l'Orgue Des Ondes". Le principe :
un papier perforé contrôle 4 voix, comme
dans un piano mécanique, et grâce à
des filtres, il est possible d'obtenir un trémolo
et de changer les timbres. Cette machine est un échec
commercial, mais elle stimulera la création de
bien d'autres inventions comme le "RCA Music Synthesizer".
A la même époque, beaucoup d'intruments voient
le jour : le Dynaphone de René Bertrand,
la Croix sonore de Nikolai Obukhov (1929) ou encore
l'Hellertion de Bruno Helberger et Peter Lertes...
En
1930, le compositeur américain avant-gardiste Henry
Cowell (1897-1965) et Leon Theremin mettent
au point le Rhythmicon ou Polyrhythmophone
dont le générateur de sons est basé
sur le principe du Theremin. La construction du Rhytmicon
est financé par Charles Ives. L'instrument dispose
d'un clavier de 17 touches produisant des percussions
polyphoniques, chacune des touches fait répéter
un son en boucle : c'est en quelque sorte la première
boîte à rythme programmable. Dès 1912,
Henry Cowell manifeste une liberté totale vis-à-vis
de la composition. Dans "The tides of Manaunaum",
une uvre pour piano, l'interprète doit jouer
du piano avec le poing, la paume ou l'avant bras (les
fameux "clusters" : nom donné
au jeu pianistique consistant à frapper simultanément
plusieurs touches du clavier et d'intervenir sur les cordes
à l'intérieur même du piano). Plus
tard, il explore l'intérieur du piano, où
les cordes sont pincées, frappées ou juste
effleurées.
Henry
Cowell écrira un concerto spécialement pour
cet instrument en 1931 : "Rythmicana".
Le Rythmicon est redécouvert en 1961 par Joe
Meek dans son hit single "Telstar". Il est
également utilisé dans "Atom Heart
Mother" par Pink Floyd, "The Crazy World
of Arthur Brown" d'Arthur Brown, "Robot"
des Tornadoes ou encore "Rubicon" de
Tangerine Dream. On doit également au très
productif Léon Theremin, le Terpistone et
le Theremin Cello. En 1935, Henry Cowell
publie "New Musical Resources", où
il aborde les nouvelles possibilités de la polyharmonie,
des clusters, des quarts de ton et des problèmes
rythmiques, sa musique repose sur le timbre, le son, la
matière sonore. Ses idées influencent beaucoup
de compositeurs à commencer par Stockhausen
et Cage, mais aussi Terry Riley, Charles Ives,
Lou Harrison, Meredith Monk... Il incite d'ailleurs
John Cage à se consacrer à la musique plutôt
qu'à la peinture... Cage le qualifie de "Sésame
ouvre-toi" de la musique nouvelle américaine.
Un hommage plus tardif lui sera même rendu par le
groupe de rock expérimental "Rock in Opposition"
Henry Cow créé par Fred Frith
et Tim Hodgkinson en 1968 !
Au début des années 30, se développe
en Russie, parallèlement aux travaux de Rudolph
Pfenninger et Oskar Fischinger en Allemagne,
une importante recherche sur le son synthétique
dans le domaine du cinéma d'animation et expérimental,
grâce à la technique de synthèse
optique (la synthèse par l'image). Le son est
soit dessiné à la main directement sur la
pellicule, soit photographié sur la piste optique.
Deux centres importants en Russie : Arseny Mikhaylovich
Avzaamov, N.Y. Zhelinsky et N.V.Voinov
au Scientific Experimental film Institute de Leningrad
et Yevgeny Scholpo ainsi que G.M. Rimski-Korsakov
au Conservatoire de Leningrad. A cette liste, s'ajoutent
: László Moholy-Nagy, : Norman
McLaren, et les frères James et
John Whitney. Ces pionniers ont tout "simplement"
créé les premiers sons synthétiques
de l'histoire de la musique, leurs expériences
ont probablement influencé les uvres d' Edgard
Varèse ou de John Cage, qui ont rencontré
Oskar Fischinger en Californie à plusieurs reprises.