Trautonium, Ondioline, Orgue Hammond, Percy Grainger,
Hugh Le Caine, Conlon Nancarrow
Le
Trautonium
du docteur allemand Friedrich Adolf Trautwein (1888-1956)
est créé en 1930. Il s'agit d'un instrument
monophonique utilisant le principe de la synthèse
soustractive, le son est généré par
un
oscillateur à basses fréquences. Le jeu
se fait en serrant un fil de résistance contre
une barre métallique (afin de fermer le circuit
électrique) suivant des repères correspondant
à l'échelle chromatique. Une deuxième
barre en métal, actionnée par une pédale
est employée pour commander le volume et l'articulation
de chaque note, le timbre est, quant à lui, choisi
en manuvrant une série de commutateurs. Oskar
Sala (1910-2002), qui a étudié avec
Trautwein à Berlin, développe, en 1952,
une autre version, duo-phonique de cet instrument, le
Mixtur-Trautonium. Oskar Sala utilise le dispositif
pour composer les effets sonores de plus de 300 films,
notamment pour recréer le cri des oiseaux dans
le film "The Birds" d' Alfred Hitchcock
sous la direction de Bernard Herrmann.
1933
: Laurens Hammond (1895-1973) achète un
piano et commence à le modifier pour concevoir
un orgue électronique en améliorant les
mécanismes que Cahill avait employés dans
le Telharmonium. L'Orgue Hammond modèle A
est commercialisé en 1935. Le but affiché
de Laurens Hammond est de vendre ses orgues au grand public
et notamment à toutes les églises des Etats-Unis,
mais le bruit si particulier de son orgue s'est avéré
être plus approprié pour le jazz et par la
suite pour la musique Rock. D'autres modèles suivront,
avec des variations et des améliorations pour satisfaire
aux besoins des clients. Le Hammond B-3, sorti
en 1936, rencontre un immense succès. Cet instrument
précurseur de la synthèse additive permet
à la musique électronique de toucher un
public beaucoup plus large. Certains compositeurs ont
même spécifiquement écrit pour cet
instrument : Karlheinz Stockhausen (in Momente
- 1961/62), et Arne Nordheim (in Colorazione -
1968). En 1938, Laurens Hammond invente le Novachord.
En
1935, Conlon Nancarrow (1912-1997) écrit
une toccata pour violon et un piano mécanique disposant
d'un rouleau de papier perforé. C'est l'une des
premières oeuvres mixtes de l'histoire, le violoniste
doit se synchroniser sur la restitution exacte du temps
rendu possible par le déroulement du papier perforé.
Le piano mécanique lui permet également
la réalisation de rythmiques complexes, qu'aucun
interprète n'était, jusqu'à présent,
à même de réaliser. Il prend la décision
de se consacrer entièrement à cet instrument
dans les années 1940. Nancarrow déclare
qu'il se serait sans doute tourné vers l'électronique,
s'il était né un peu plus tard. L'utilisation
du piano par Nancarrow est démonstrative du besoin
de dépasser les capacités d'exécution
du musicien, en ce sens elle préfigure le développement
de la musique électronique
Aidé
de C. Warnke, Harald Bode construit le Warbo
Formant Organ en 1937 : premier instrument électronique
Polyphonique à 4 voix, prédécesseur
des orgues électroniques actuels. Par la suite,
il élabore d'autres instruments comme le Melodium,
le Mellochord en 1948 et le Polychord.
1939
: Invention du Voder et surtout du Vocoder (Voice
Operated reCOrDER) par Homer Dudley, au départ
pour une utilisation non musicale. En 1948, il en fera
pourtant une démonstration aux studios de la WDR
pour Werner Meyer-Eppler. Ce dernier utilise en
1949 un enregistrement du Vocoder pour illustrer sa conférence
: "Developmental Possibilities of Sound".
En
1942, Georges Jenny construit l'Ondioline,
instrument à clavier qui permet le contrôle
du vibrato, l'instrument est commercialisé dès
1947 sous forme de Kit. Arthur Honneger, Marcel
Landowsky, et Darius Milhaud, écrivent
des oeuvres spécialement pour l'Ondioline. Jean-Jacques
Perrey, pionnier aux Etats-Unis
d'une musique électronique populaire, est également
un fervent utilisateur de cet instrument et en utilise
les sonorités de manière très ludique.
Commed'autres instruments, tels que le Solovox
et le Clavioline (de Constant Martin), l'Elektrochord
(d'Oskar Vierling), le Kaleidophon, le Multimonica,
le Pianophon, le Mellertion, l'Emicon
(de Nicholas Langer en 1932), le Melodium, l'Oscillion,
l'Orgatron, le Photona, le Magnetton,
le Photophone, le Tuttivox, l'Electronium
Pi et le Pianetta, l'intérêt initial
de l'Ondioline est d'imiter le timbre des instruments
traditionnels.
En
1945, Percy Grainger (1882-1961), élève
de Busoni et le chanteur Burnett Cross débutent
l'élaboration de la "Free Music Machine".
Cet instrument fonctionne à partir de notations
graphiques écrites le plus souvent de manière
aléatoire sur des rouleaux de papier ayant pour
fonction de contrôler 8 oscillateurs. Ainsi, Percy
Grainger espérait mettre en pratique sa conception
de la "musique libre", c'est-à-dire libérer
les structures mélodiques et rythmiques des tyrannies
traditionnelles de la musique occidentale. Toute sa vie,
il poursuit cet objectif, en faisant notamment appel au
hasard "random round", comme John Cage,
et en étudiant de manière approfondie les
différentes musiques traditionnelles. La dernière
machine de sa création porte le nom de "Kangaroo-Pouch".
De
1937 à 1957, le Russe Evgeni Murzin met
au point un synthétiseur qui sera notamment utilisé
par le compositeur Alfred Schnittke pour la pièce
Steam. Cet instrument construit à un seul exemplaire
s'appelle l'ANS, il reprend les initiales du compositeur
Alexander Nikolavitch Scriabine. En 2004, pour leur disque
Coilans, les membres du groupe Coil ont eu le loisir
dexpérimenter les sonorités incroyables
de cet ancêtre des synthétiseurs, encore
visible à l'université Lomonosov de Moscou.
En
1948, le scientifique et compositeur canadien Hugh
Le Caine (1914-1977) construit à Ottawa un
prototype appelé l'Electronic Sackbut ou
Saqueboute (1) électronique : instrument
monophoniqueprécurseur des synthétiseurs
contrôlés par tension et modifié à
maintes reprises jusqu'en 1973. En 1955, Le
Caine compose "Dripsody" (Étude
pour magnétophone à vitesse variable) à
partir du bruit généré par une goutte
d'eau en variant la vitesse de la bande. En 1954, le Conseil
National de la Recherche du Canada (CNRC) décide
de créer un laboratoire de musique électronique
pour les travaux de Le Caine. Ce studio lui permet de
développer différents instruments électroniques.
Le Caine est davantage inventeur que musicien, et ses
rares compositions lui servent plutôt à tester
ses inventions : "Je ne me considérais
pas comme un compositeur. Toutefois, j'ai senti que la
seule façon de comprendre l'intérêt
du compositeur pour un instrument était de l'utiliser
moi-même dans les différentes formes musicales
actuelles (...) Ce que le compositeur de musique électronique
doit développer par-dessus tout n'est pas la compréhension
des appareils, mais une nouvelle compréhension
du son". Le Sackbut, reste une invention importante
: il s'agit en effet de l'un des tout premiers synthétiseurs
contrôlés par tension. Le Caine participe
au développement des premiers studios de musique
électronique au Canada : Université de Toronto
(1959) & Université McGill de Montréal
(1964).
L'histoire de la musique électronique pendant la
première partie du XX ème siècle
se rapporte plus au développement des instruments,
qu'à la naissance d'un réel art musical
électronique. Ces instruments, n'ont pas réellement
été associés à des idées
musicales novatrices. Seuls quelques compositeurs avant-gardistes
ont expérimenté ces nouvelles machines.
Paul Hindemith, par exemple, a composé quelques
morceaux pour le Trautonium. Pierre Boulez
et Olivier Messiaen se sont un temps passionnés
pour les Ondes Martenot, celles-ci sont d'ailleurs encore
employées par les compositeurs contemporains. Le
Caine a également tenté des expérimentations
musicales pour le Sackbut. Parmi tous ces instruments
musicaux électroniques, seuls le Theremin,
l'orgue Hammond, et les ondes Martenot
sont encore utilisés de nos jours.
(1) Saqueboute
: nom d'un ancien trombone