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• Spatialisation et image : la mise en espace des sons concrets et électroniques

En 1951, les premiers magnétophones arrivent à la RTF. Jacques Poullin, ingénieur du son, conçoit différents types d'enregistreurs pour créer des effets musicaux spéciaux et développer un système de spatialisation afin de diriger les bruits vers différents hauts-parleurs à l'intérieur d'une salle de concert. Le premier concert public "spatialisé" a lieu cette même année à Paris au théâtre de l'Empire. Pierre Henry utilise un "Pupitre potentiométrique de relief à quatre canauLe  paraboloïde hyperbolique du Pavillon Philips - Expo universelle de Bruxelles - 1958x" ou "potentiomètre d'espace" conçu par Poullin et Schaeffer, les sons se projettent dans l'espace "suivant des plans ou des trajectoires qui s'inscrivent dans la hauteur, la largeur et la profondeur" (1), “Tenant en main une bobine, l'opérateur, debout sur la scène, effectuait des gestes dans un espace matérialisé par de larges cer
ceaux croisés. Ces gestes, agissant sur la balance des haut-parleurs, produisaient un mouvement analogique du son dans l'espace de la salle" (2).

Au début des années 50, John Cage s'interroge également sur les relations entre jeu musical et données spatiales, notamment lors de la réalisation de William Mix en 1952, avec les membres du Project for Music for Magnetic Tape. Deux autres compositions d'importances seront réalisés par ce collectif entre 1950 et 1953 : Octet d'Earle Brown pour 8 bandes magnétiques, et Intersection de Morton Feldman.

Dès lors, de plus en plus de compositeurs se préoccupent des divisions conventionnellement admises entre arts du temps, de l'espace et du mouvement. La notion d'espace devient une substance primordiale et initiale dans le travail de création, elle fait partie du langage des musiciens. Parmi eux, Pierre Boulez (Répons pour 5 groupes instrumentaux), Luc Ferrari, Olivier Messaien, Léo Küpper, John Chowning, Iannis Xenakis, Karlheinz Stockhausen, Steve Reich, Alvin Lucier.

Stockhausen dans les années 50 : "On peut dire qu'à l'avenir la musique deviendra spatiale. Je crois que le mouvement des sons dans l'espace sera aussi important que la mélodie, l'harmonie, le rythme, la dynamique, le timbre"

Karlheinz Stockhausen au planétarium du pavillon allemand de l'exposition universelle d'Osaka en 1970 et maquetteEn 1956, lors de la première de Gesang der Jünglinge pour bande seule à la WDR, Stockhausen applique les principes de la projection spatiale en répartissant cinq groupes de hauts parleurs respectivement autour et au dessus du public. En 1969, il jouera Hymnen dans les grottes de Jeita au Liban, puis en 1972 sur le site de Persépolis : le cadre, le choix des lieux sont d'une importance primordial dans le processus de mise en espace. En 1970, Stockhausen, accompagné de l'architecte Fritz Bornemann, conçoit un auditorium sphérique de 28 mètres de diamètre pour le planétarium du pavillon allemand de l'exposition universelle d'Osaka. Il y voit une architecture idéale de spatialisation du son : le son était projeté dans 55 haut-parleurs qui entouraient complètement un public de 550 auditeurs. En 1973, Christian Clozier présente le Gmebaphone et en 1974, François Bayle élabore l'Acousmonium du GRM composé de 72 projecteurs sonores.

Polytope de Cluny à Paris (1972)Iannis Xenakis produit également plusieurs travaux d'importance : Diamorphoses (1957), Concret pH (1958), Orient-Occident musique extraite du film homonyme d'Enrico Fulchignoni (1960), Bohor (1962), ainsi que d'autres réalisations mêlant musique, architecture et spectacle visuel comme le Polytope de Persepolis en Iran (1971), le Polytope de Montréal en 1967, le Polytope de Cluny à Paris (1972), le Polytope de Mycènes (1978) ou encore le Diatope "La légende d'Eer" pour l'inauguration du Centre Georges Pompidou en 1978... Bien que connu principalement en tant que compositeur Iannis Xenakis, a un impact particulier sur l'histoire de la musique électronique, il développe notamment un système de composition qu'il nomme musique stochastique où il met en relation la musique et les mathématiques (3).

En 1966, il fonde à Paris l' EMAMu (Equipe de mathématique et Acoustique Musicales) qui deviendra en 1972, le Centre de Mathématique et Automatique Musicales (CEMAMu). Il y réalisera un système de composition musicale : l'UPIC (4). Au départ ingénieur, il travaille de 1947 à 1960 comme assistant de l'architecte Le Corbusier.

En 1956, Le Corbusier construit un pavillon pour l'exposition universelle de Bruxelles (automne 1958), commandé par la compagnie ho
projection pavillon philips expo universelle 1958llandaise Philips. A l'intérieur du bâtiment de forme triangulaire, Le Corbusier y projette des images accompagnées de "sons organisés" diffusés dans 425 haut-parleurs. Le programme musical comprend le Poème Electronique, composition pour bande magnétique d'Edgard Varèse, en alternance avec le Concret pH, de Xenakis (composé à partir des crépitements d'un charbon de bois en train de brûler). Environ 2 millions de personnes assistent à cette première présentation "grand public" d'un spectacle alliant bruit électronique et image.
Lors de l'expo d'Osaka en 1970 Xenakis présente sa composition Hibiki Hana Ma au Pavillon japonais, le son était alors projeté grâce à 800 haut-parleurs.
Toutes ces expériences sont autant de jalons qui permettent de découvrir les propriétés du support-espace.




(1) Selon la notice technique du programme du concert.
(2) Description de François Bayle du concert de 1951, in "Musiques acousmatiques, propositions... positions," Paris, I.N.A./Buchet-Chastel, 1993
(3) Autres pionniers pour lesquels les mathématiques seront une source capitale dans la création musicale : Lejaren Hiller, Joseph Schillinger, Milton Babbitt, Michel Philippot, Pierre Badaud ou encore Pietro Grossi
(4) UPIC : Unité Polyagogique Informatique du CEMAMu, dont le but est de traduire les dessins effectués sur une palette graphique en sons

 

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  s u g g e s t i o n s
  d ' é c o u t e


> Iannis Xenakis
Métastasis, 1953-54
Pithoprakta, 1956
Diamorphoses, 1957
Orient-Occident III, 1960
Concret PH, 1958
Bohor, 1962
ST/10-1,080262, 1962
La légende d'Eer, 1977
Mycenae Alpha, 1978

> Pierre Henry, Nicolas Schoffer, Alwin Nikolais
Kyldex I, 1973

> Edgard Varèse
Poème électronique, 1958

> Olivier Messiaen
Timbre Durées, 1952

> Karlheinz Stockhausen
Gruppen, 1955
Gesang der Jünglinge, 1956
Helikopter-Streich-quartett, 1995

> Alvin Lucier
I am Sitting in a Room, 1969

> Brian Eno
Music for Airports, 1978

> John Cage
Imaginary Landscape #4, 1942
William mix, 1952

> Earle Brown

Octet, 1953

> Morton Feldman
Intersection, 1950-53


> John Chowning
Turenas, 1972
Stria, 1977

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