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[eng]
Les premiers synthétiseurs
analogiques &
les
premiers ordinateurs
: composer sa propre matière sonore
Le magnétophone offre aux
musiciens la possibilité d'enregistrer des bruits
et de les utiliser à leur guise. Les ordinateurs
et les synthétiseurs analogiques vont apporter
aux compositeurs et musiciens une autre révolution
musicale : la possibilité de composer leur propre
matière sonore. En 1942, John Cage écrivait
"Bien des musiciens rêvent de boîtes
technologiques compactes, desquelles tous sons perceptibles
y compris du bruit sortiraient au gré des envies"
Computer Music (1)
Vers
1956, Lejaren A. Hiller et Leonard M. Isaacson
présentent les premiers travaux de composition
assistée par ordinateur : Illiac Suite pour
quator à cordes, au sein d'un studio du centre
de recherches en informatique de l'Université d'Illinois.
Ces premiers essais sérieux de composition musicale
par ordinateur sont effectués sur l' ordinateur
Illiac I (IBM 7094).
Il existe cependant une autre activité à
l'origine de l'informatique musicale : la Production
de Son. En ce sens, le pionnier de la synthèse
des sons par ordinateur (ou synthèse numérique)
est le musicien et ingénieur électronicien
Max V. Mathews. Le premier son généré
par ordinateur est entendu en 1957 aux laboratoires d'acoustique
et de psychologie de la compagnie Bell AT&T à
Murray Hill (New-Jersey) grâce au logiciel générateur
de son : Music I sur un IBM 7040 : cette mutation
voit le jour avec l'aide de Henk McDonald, John
R. Pierce et Newman Guttman. Le 17 mai 1957,
le psychologue Newman Guttman crée "In
the Silver Scale", la toute première uvre
de computer music d'une durée de 15 secondes, et
3 ans plus tard sort le premier disque de musique créée
sur ordinateur : "Music from mathematics".
Il est l'uvre de J.R.Pierce et Max Mathews. Ce disque
contient, entre autres, la première chanson informatique
" Bicycle Built for Two " (chant du cygne
de l'ordinateur Hal 9000), rendue célèbre
par le film de Stanley Kubrick " 2001, Odyssée
de l'espace ". Par la suite, de nombreux compositeurs
comme John Cage, Iannis Xenakis, John
Chowning ou Morton Subotnick composent également
sur ces premiers programmes.
En
1968, "Bell Telephone Laboratories" lance Music
V (2), (Mathews, Moore, Risset, Miller) logiciel de
synthèse écrit dans le langage Fortran (FORmula
TRANslator) et organisé en système modulaire
de générateurs de son. Music V est aujourd'hui
encore, à la base de nombreux programmes de synthèse
sonore. Le Système Groove (Generated Real-time
Output Operations on Voltage-controlled Equipment), mis
au point par Max mathews et Richard Moore en 1967,
est le premier système informatique de composition
en temps réel et est utilisé de manière
intensive par Laurie Spiegel "Appalachian Grove"
(1974) et Emmanuel Ghent "Phosphones"
(1971) au cours des années 70, puis plus tard par
Pierre Boulez et Gerard Schwartz.
Dès leurs débuts aux laboratoires Bell,
John Pierce et Max Mathews sont désireux
de rentrer en contact avec des musiciens. Le penseur et
compositeur James Tenney (né en 1934) crée
plusieurs pièces musicales de 1961 à 1964
et participe ainsi
au développement de nombreux logiciels de composition
musicale. Sa première réalisation est Analog
#1 (Noise Study) en 1961, elle est inspirée
des bruits aléatoires entendus sur la route 22
et dans le Holland tunnel entre Manhattan et le New Jersey
(3). Pour Dialogue (1963), Tenney employe diverses
méthodes stochastiques pour déterminer l'ordonnancement
des bruits. Les différents types de bruits sont
statistiquement combinés, les textures des bruits
changent continuellement, comme si les compositions étaient
constituées d'une variété de sons
de diverses formes et couleurs. En 1963, Mathews publie
un article à propos de la musique par ordinateur
"The Digital Computer as a Musical Instrument"
(4). Cet article marque toute une génération
de musiciens.
Jean-Claude Risset, alors étudiant en physique
en France, décide d'écrire sa thèse
sur les recherches de Max Mathews. Il se rend ainsi
aux laboratoires Bell en 1964, pour débuter ses
recherches sur le timbre et compose successivement :
"Little Boy" en 1968 et "Mutations
I" en 1969. La particularité du "Son
Risset" est l'illusion qu'il procure : sensation
de monter ou de descendre ! En 1974, l'IRCAM est
créé à Paris et Jean-Claude Risset
est nommé chef du département de musique
d'ordinateur. L'IRCAM (Institut de Recherche et Coordination
Acoustique/Musique) est un centre de recherche au service
des compositeurs où sont
créés des logiciels de synthèse sonore,
de spatialisation et de notation. Ce centre existe toujours
de nos jours, on y étudie également la perception
sonore et les principes acoustiques.
John
Chowning trouve lui aussi l'inspiration pour étudier
l'informatique, suite à la lecture de l'article
de Max Mathews : "The Digital Computer as a Musical
Instrument". En 1967, Chowning invente la
synthèse sonore par modulation de fréquence
FM, une nouvelle méthode de production sonore
qui permet de transformer le timbre d'un son. La synthèse
FM utilise un pricipe de modulation analogue à
celui que l'on utilise en radiotransmission : on fait
varier la fréquence d'une onde périodique,
la porteuse, en fonction de l'amplitude d'une autre onde,
la moduleuse. Plus tard, il établit, avec David
Poole, un laboratoire à Stanford, qui deviendra
en 1975, le CCRMA (Center for Computer Research
in Music and Acoustics). Son approche et sa découverte
de la synthèse FM servent de base pour la conception
de la plupart des synthétiseurs Yamaha dans les
années 80, dont le célèbre DX7. Les
premières compositions de Chowning : "Sabelithe"
(1971) et "Turenas" (1972) sensation
de bruits se déplaçant dans l'espace, "Stria"
(1977) une composition pour bande seule. Les résultats
de ces créations sont étranges, glacials
et à mille lieux de tout ce que peuvent produire
les instruments acoustiques.
Dans les années 60, Max Mathews, James
Tenney, Jean-Claude Risset et John Chowning
sont parmi les premiers compositeurs à utiliser
les ordinateurs. Ils sont suivis dans les années
70-80 par Charles Dodge, Hubert Howe, Jim Randall,
Geoffrey Winham, Paul Lansky, Jonathan Harvey,
Trevor Wishart, Barry Vercoe, Larry Austin, François
Bayle, Dexter Morrill, James Dashow, Iannis Xenakis,
William Albright, Bill Schottstaedt, Dennis Smalley...
Le travail de ces pionniers n'est alors pas aussi facile
qu'aujourd'hui, ils doivent parfaitement connaître
les systèmes informatiques et la programmation.
En effet, le laps de temps entre la création d'une
composition et l'écoute du résultat se mesure
parfois en jours, alors qu'aujourd'hui il est quasi instantané.
Au tout début de la synthèse numérique
Max Mathews précise : "Vingt minutes de
temps d'ordinateur sont nécessaires pour chaque
seconde de son, ce doit être une seconde remarquable
pour que cet effort en vaille la peine".
(1) Musique
générée par ordinateur
(2) Music I (1957), Music II (1958), Music III (1958),
Music IV (1962) : langage assembleur - Variantes de Muscic
V : MUSIC360 pour IBM360 et MUSIC11 pour PDP11
(3) attrait pour les bruits de la ville : attitude similaire
chez John Cage et Edgard Varèse (Déserts,
Ionisations...)
(4) Revue "Science" n°142, 1963, pages 553
à 557
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s u g g e s t i o n s
d ' é c o u t e
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> Lejaren Hiller
Illiac suite for string quartet, 1956
Computer Cantata, 1963
Electronic Sonata, 1976
> Max Mathews
Numerology,
1960
Bicycle Built for Two,
1961
The Second Law, 1961
Masquerades, 1963
International Lullaby, 1966
> John R. Pierce
Stochata, 1959
Variations In Timbre And Attack, 1961
Sea Sounds, 1963
Eight-Tone Canon, 1966
> Newman Guttman
The Silver Scale, 1957
Pitch Variations, 1957
>
James Tenney
Noise study, 1961
Four Stochastic Studies, 1962
Dialogue, 1963
Phases, 1963
Stochastic string Quartet, 1963
> Ercolino Ferretti
Pipe and Drum, 1963
Trio, 1965
> Jim Randall
Quartets in Pairs, 1964
Mudgett, 1965
Mudgett: Monologues for a Mass Murderer, 1965
Lyric Variations, 1966
>Emmanuel Ghent
Helices, 1969
Phosphones, 1971
Brazen, 1975
> David Lewin
Study N° 1, 1961
Study N° 2, 1961
>
Laurie Spiegel
Sediment,
1972
Appalachian Grove, 1974
Clockworks, 1975
A Voyage, 1976
> Herbert Brün
Non Sequitur VI, 1966
Indefraudibles, 1968
> Jean claude Risset
Computer suite for little boy, 1968
Mutations I, 1969
Inharmonique, 1977
Songes, 1979
> Charles Dodge
Changes, 1969
Earth's magnetic field, 1970
He Destroyed Her Image,
1972
Speech Songs, 1972
In celebration, 1975
>John Chowning
Sabelith, 1966-71
Turenas, 1972
Stria, 1977
Phone, 1981
> Jonathan Harvey
Mortuos plangos vivos voco, 1980
> Jean-Baptiste Barriere
Chréode 1, 1983
> Pierre Boulez
Dialogue de l'ombre ouble, 1985
>
Philippe Manoury
La partition du ciel et de l'enfer, 1989
> Paul Lansky
Idle Chatter, 1984
> Trevor Wishart
Vox 5, 198
> James Dashow
Whispers out of Time, 1976
> Iannis Xenakis
Mycenae-Alpha, 1978
>
William Albright
Sphaera, 1985
> Bill Schottstaedt
Dinosaur Music, 1986
> Kaija Saariaho
Noanoa, 1991
> Dennis Smalley
Gradual, 1974
> David Rosenboom
Zones Of Influence, 1985
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