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Telharmonium, Audion Piano, Luigi Russsolo et les bruitistes

Les expériences de Du Bois Duddell servent de base de recherche pour la réalisation du Dynamophone (breveté en 1897) de Thaddeus Cahill (1867-1934). L'instrument est présenté pour la première fois à New York en 1906 sous le nom de Telharmonium.Thaddeus Cahill, scientifique canadien a l'idée de construire un instrument musical entièrement mécanique et électrique et de l'employer pour diffuser de la musique via les lignes téléphoniques dans les restaurants, théâtres, les jardins publics ou les hôtels. Cet instrument polyphonique marque la première innovation importante dans la distribution de la musique.

Le Telharmonium au "Telharmonic Hall" de New York en  1906L'appareil est constitué de plusieurs dynamos à son, tournant à différentes vitesses, le tout est relié à des haut-parleurs et permet de créer une gamme complète de sons, c'est le premier instrument de "synthèse additive". Le bruit produit par la mécanique de l'instrument est tel qu'il est nécessaire de le placer dans une pièce séparée de celle où se trouvent les haut-parleurs ! L'instrument pèse approximativement 200 tonnes et deux personnes sont nécessaires pour le faire fonctionner.

La taille, le poids, le bruit du mécanisme et sa complexité sont de sérieux handicaps. La première émission a lieu dans le restaurant "Café Martin" de New York le 9 novembre 1906. Mais, malgré ce moment de fête, les difficultés commencent et causent la fin inéluctable du Telharmonium. Se servant des câbles étendus par la "New York Telephone Company" pour diffuser ses programmes, des interférences se produisent avec les conversations téléphoniques des usagers du téléphone. Le désagrément ne sera jamais solutionné et l'accès au réseau téléphonique lui sera finalement interdit. En 1911, la "New England Electric Music Company", créée pour vendre la machine, déclare faillite et les portes du Telharmonic Hall (1) où est installé l'instrument sont définitivement fermées. Le Telharmonium, ne sera utilisé que pour jouer du Bach, Beethoven ou encore du Chopin, il n'apportera donc rien de neuf dans la création musicale !


la lampe triode ou "Audion"Lee De Forest (1873-1961) met au point la lampe triode en 1906, un perfectionnement de la lampe diode de John A. Fleming, découverte en 1904. Cette lampe triode marque les débuts de l'électronique et permet l'amplification d'un signal électrique. Il développe alors en 1915, l' Audion Piano qui utilise une lampe pour chaque touche du clavier. Les sons produits imitent ceux de violons, violoncelles et même d'instruments à vent. Avec cette découverte, le Telharmonium devient très rapidement démodé. Dans les années 20, l'amplification électrique favorise le développement de la radio. En 1947, les premiers travaux sur le transistor entrepris par John Bardeen, Walter Brattain et William Shockley aux laboratoires Bell marquent la fin définitive des lampes et autres tubes.

 


Les FUTURISTES : l'art des bruits


Dans leurs ouvrages, Ferruccio Busoni "Sketch of a New Aesthetic of Music" (1907), et Balilla Pratella "Musica Futurista" (1912) laissent entrevoir le devenir de la musique, en remettant en cause la hiérarchie des genres et l'enseignement musical. Le 11 mars 1913, les choses se précisent avec la publication du manifeste "L'art des bruits" (arte de rumori) de Luigi Russolo (1885-1947) > LIRE LE MANIFESTE <

Marinetti, Piatti et Russolo en 1914Ce manifeste est à l'origine une lettre écrite à son ami compositeur Balilla Pratella : "Le son musical est trop restreint, quant à la variété et à la qualité de ses timbres. On peut réduire les orchestres les plus compliqués à quatre ou cinq catégories d'instruments différents quant au timbre du son : instruments à cordes frottées, à cordes pincées, à vent en métal, à vent en bois, instruments de percussion. La musique piétine dans ce petit cercle en s'efforçant vainement de créer une nouvelle variété de timbres. Il faut rompre à tout prix ce cercle restreint de sons purs et conquérir la variété infinie des sons-bruits"

Russolo désire utiliser le bruit à des fins artistiques. Il est membre du mouvement futuriste italien, dont l'objectif dans le domaine musical est clair : rompre avec le passé symbolisé par le Classicisme et le Romantisme ! Le dynamisme, le quotidien, le mouvement, le grincement des machines plutôt que la tranquillité et la pureté des sons si chers aux adèptes du Romantisme. Le bruit se distingue des sons par des vibrations confuses et irrégulières .

"L'art des bruits n'est pas limité à une simple reproduction de la matière sonore, il tire sa principale faculté d'émotion du plaisir acoustique que l'artiste obtient en combinant les différents bruits"

Selon Russolo, tous les bruits organisés sont musicaux, ce qui délimite cependant la définition du domaine musical. John Cage, quant à lui, nous dira un peu plus tard dans le siècle que "tout est musique" et que "la musique est l’évaluation morale du bruit". Pour lui, les sons préexistent dans la nature, le rôle du compositeur est simplement de les libérer ! John Cage ouvre sa musique à tous les sons, le hasard, le silence "même le banal a un potentiel esthétique".

Le premier concert de musique futuriste "art of noise" est donné à Milan en 1914, sous l'égide de Marinetti et Russolo. En juin 1921, son frère Antonio Russolo donne trois "concerts de bruits" au théâtre des Champs-Elysées à Paris. Il utilise pour cela 29 instruments créés par LuLuigi Russolo et le Rumorarmonioigi Russolo et le peintre Ugo Patti : les "Intonarumori" (2) (bruiteurs) divisés en plusieurs familles : Hululeurs, Froufrouteurs, Bourdonneurs, Eclateurs, Glouglouteurs, Sibileurs, Coasseurs, Crépiteurs ou Grondeurs (3)… inclus eux-mêmes à l'intérieur d'un orchestre. Stravinsky, Milhaud, Ravel, Diaghilev, De Falla, Auguste Péret et Mondrian assistent à ces concerts.

En 1927, Luigi Russolo s'installe à Paris pour fuir le fascisme, il gagne sa vie en créant en direct la musique de films muets d'avant-garde, grâce au "Rumorarmonio" (instrument qu'il a créé et qui regroupe sous la forme d'un piano droit, quelques-uns de ses bruiteurs), puis du "Russolophone". Il effectue notamment la sonorisation des films de Jean Painlevé, Eugène Deslaw et Jean Epstein. Pierre Henry, lui rend hommage en 1975 en composant "Futuristie" : à cette occasion, il fait fabriquer quelques bruiteurs.





(1) 39th Street / Broadway New York City
(2) Rumore : bruit en italien
(3) Le musicologue et musicien Hugues Davies assiste à un concert en 1914 et décrit le bruit des "Intonarumi" comme des "rots amusants" ou encore "navires de guerre prenant le large en pétant"

 

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  s u g g e s t i o n s
  d ' é c o u t e

> Luigi et Antonio Russolo

chorale, 1921
serenata, 1921

> Walter Ruttman
Melodie Der Welt, 1928
Wochende, 1930

> Hector Berlioz
Chants des chemins de fer, 1851

> Sergei Prokofiev
Pas d'acier, 1927

> Alexandre Vassilievitch Mossolov

Fonderie d'acier, 1927

> Arthur Hoenegger

Pacific 231, 1923
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